dimanche 1 mars 2009


Le refus du productivisme



Face aux contraintes de compétitivité qu´impose la société pour "réussir" certains optent pour le refus et la fuite. Le travail productif normal qu´il soit physique ou intellectuel est refusé, voire condamné comme un facteur d´asservissement contraire à une vie libre et épanouie. Les degrés de refus des règles d´un jeu basé sur la compétitivité et la productivité sont variables . Quelques exemples ...

Au degré le plus faible, s´engager dans la fonction publique peut paraître une voie du milieu permettant d´éviter de collaborer avec l´"esprit" d´entreprise et d´avoir une utilité sociale. On abandonne une part du gâteau en échange d´une tranquillité d´esprit sur le plan matériel. C´est une forme de sagesse qui remplit de moins en moins ses promesses. La paupérisation du monde enseignant au cours du vingtième siècle en est un exemple criant.

Avec la multiplication des aides sociales est apparu une nouvelle catégorie de refus, celle des passagers clandestins du système. Ces derniers ont bien intégré les règles du jeu et alternent emplois saisonniers bien payés, période de chômage et travail au noir. Et se gardent bien de dépasser le montant fatidique de revenus déclarés qui leurs fermeraient la porte aux APL et autres aides sociales. C´est une position défendable car elle se base sur des lois en vigueur. Quant au travail au noir, il est vieux comme le monde et profite à tout le monde en permettant de court-circuiter les impôts et taxes. Ne pas payer la gabelle au seigneur n´a jamais été un acte immoral pour le serf. L´étalage des gaspillages et corruptions de l´État ne fait que renforcer cette conviction ancestrale.

La catégorie extrême du refus est personnifiée par la délinquance sous toutes ses formes. Le délinquant assume le risque de la prison pour vivre dans une oisiveté totale entrecoupée de rapides rapines au sein de la société d´abondance ou de trafics divers. La fuite devient généralement irréversible avec le premier séjour en prison où le nouveau cercle de relations permet de découvrir comment limiter les risques de se faire prendre et minimiser les peines encourues .

Non moins radicale est la mouvance alternative qui refuse la société en bloc et vit en marge du système. Cela peut commencer chez les jeunes avec un manque de motivation et de conviction. Certains feront durer au maximum leur tranche de vie chez les parents, refusant de sortir de l´adolescence. D´autres deviendront nomades et vivront un peu comme des gitans de préférence dans des pays du tiers-monde, le tout entrecoupé de petits boulots en métropole. Ils se forgeront une expérience humaine enrichissante. D´autres resteront sur place pour former des tribus alternatives semi-nomades vivant de la vente d´artisanat ou de brocante durant les beaux jours. Ils partiront au volant d´un break antédiluvien passer l hiver au soleil au Maroc avec l´équivalent d´un SMIC en poche.

Dans tous les cas, la fuite est justifiée par le refus de s´intégrer dans une société d´abondance qui impose des règles très strictes d´assiduité au travail pour avoir le droit de ramasser quelques miettes du gâteau. Tous les hommes n´ont pas la même disposition à l´esclavitude du métro-boulot-dodo et certains préfèrent se mettre hors-la-loi plutôt que de soumettre. Les moralisateurs diront qu´ils n´ont pas le courage d´affronter le monde, mais en réalité refuser de collaborer avec un monde égoïste et injuste relève plutôt d´un certain héroïsme. Ne pas rejoindre le troupeau de moutons de Panurge qui se prosterne devant l´autel du Dieu Profit est un acte conforme à la tradition de la philosophie.

Beaucoup de carrières artistiques sont supportées par cette motivation parfois inconsciente de ne pas obéir à la norme sociale imposée, de produire de l´apparemment inutile et réussir le pari de le convertir en valeur marchande. La liste des refus ne cesse de s´allonger et augmente chaque jour le nombre de tribus qui vivent en semi-autarcie en marge d´une société codifiée à l´extrême. Écrivains, artistes, intermittents du spectacle, artisans hippies ou rastas, brocanteurs, surfeurs, grands voyageurs, sportifs, humanitaires, associatifs... Tous procèdent de la même motivation philosophique plus ou moins consciemment assumée. Ne pas vivre en esclave, mais en homme libre.

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