dimanche 1 mars 2009


La dépression



L´énumération triste et fastidieuse des maladies du monde moderne serait incomplète sans évoquer le fléau de la dépression mentale, improprement qualifiée de nerveuse. La dépendance aux anxiolytiques et autres pilules du bonheur est devenue une vraie béquille mentale pour l homme moderne. Elle jouit de surcroît d´une pleine acceptation sociale alors qu´ elle ne diffère guère dans ses effets et dangers de la drogue ou l alcool.

Toute drogue a pour effet immédiat de déconnecter le consommateur des angoisses et du stress de la réalité quotidienne. La sensation résultante est un soulagement de la pression sociale au sens large. Certains nés plus résistants ou moins sensibles peuvent gérer cette pression pendant que beaucoup craquent et finissent par utiliser les béquilles mentales des drogues légales, tolérées ou illégales. Et parfois une combinaison incontrôlée et explosive des trois à la fois.

La dépression est une "maladie" qui ne connaît pas de barrière sociale. Elle frappe officiellement principalement les femmes. En fait, les chiffres de la dépression chez les hommes sont très sous-estimés car ils ont moins tendance à l´admettre et à se faire "soigner". Ils se retranchent souvent derrière une consommation régulière d´alcool ou autre drogue. Ils en font parfois profiter le reste de la famille en imposant leurs visions pessimistes comme forme légitime d´être et peuvent ainsi implanter les germes de la dépression chez des sujets sans problème.

La dépression se manifeste généralement par un sentiment d´inadéquation avec son environnement. La dépression peut avoir une infinité de sources remontant parfois jusqu´à la naissance. Mais c´est avant tout une défaite par rapport à des espoirs qui n´ont pu se concrétiser en actes. Des espoirs souvent fruits d´illusions que la réalité ou l´injustice a abattu en plein vol.

Une fois que la dépression a fait son lit jusqu´au plus profond de l´inconscient, elle peut devenir incontrôlable et dévastatrice. Bouffées d´angoisse sans raison objective, sensation d´étouffement et de mort lente, douleurs physiques. Délires psychotiques et tentatives de suicide pour échapper à cette asphyxie vitale qui empêche parfois tout rapport avec les autres.

Le déprimé peut culpabiliser sur les mauvaises vibrations qu´il transmet involontairement à son entourage ou tomber dans un état paranoïaque où le regard de l´autre le condamne sans appel. Dans les deux cas, le déprimé s´enferme dans un cercle vicieux destructeur. Aidé par les médicaments il se réfugie dans une sorte d´hibernation en marge du monde réel. Je suis là mais en même temps je suis absent. Comme toute drogue, les médicaments prescrits par le psychiatre sont une arme à double tranchant. D´un côté l´allégement de la souffrance, de l´autre les effets secondaires comme l´inhibition ou l´agressivité, la somnolence et l´agoraphobie. Ces effets secondaires ralentissent les sorties de dépression et leur côté addictif pour le mental fait se poser la question de leur efficacité réelle en dehors des périodes de crise aiguë.

Ce qui précède fera certainement hurler nombre de psychiatres mais à leur décharge on pourra toujours plaider que face à un métier difficile où les moyens à leur disposition sont limités ils ne peuvent que tenter de limiter au mieux les dégâts éventuels qui pourraient nuire aussi bien au patient qu´à leur réputation. Mieux vaut une bonne camisole chimique qu´un suicide.

La philosophie a depuis longtemps pointé le doigt sur la dépression en y voyant une faiblesse morale composée en part variable d´apitoiement sur soi-même, d´auto-flagellation et d´abdication face à l´échec. En même temps elle propose diverses techniques curatives, sinon préventives.

La dépression construit principalement son lit sur un dialogue mental incontrôlé où un forum interne de censeurs éducationnels émet une sentence irrévocable sur l´incapacité de l´intéressé à gérer "correctement" sa vie et sa relation à autrui. Le jugement est sans appel. Inapte au bonheur. Inapte à porter le poids de sa vie. En résulte une peur incontrôlée face au présent et au futur qui ne peut ressembler qu´au passé. Un passé qui est souvent entaché d´échecs et de stress puissants.

Quand le philosophe encourage à tourner la page, à arrêter le palabre mental intérieur incessant, à vivre dans le présent sans traîner les boulets du passé ou les angoisses du futur qui par définition n existe pas encore, que cherche t´il à transmettre à son élève, à l´humanité? Simplement une vieille recette d´équilibre mental qui ne se commande pas à la pharmacie mais est disponible à l´intérieur de soi-même pour qui veut faire l´effort d´aller le chercher. Quand enfin parvient le silence intérieur, on peut dire que le moteur de la dépression est vaincu.

Il existe beaucoup de techniques traditionnelles, dites exercices spirituels, pour y arriver. Mais toutes exigent des efforts que finalement peu de gens sont prêts à pratiquer avec régularité, le gain obtenu n´étant pas échangeable en espèces sonnantes et trébuchantes.

Quelques unes parmi d´autres. La prière, sans demande de faveur personnelle et sans référence obligatoire à une croyance donnée sinon à l´amour universel peut amener des plages de silence stabilisatrices pour l´esprit. La méditation qui apprend à fixer l´esprit en seul point stable et sans dérive. Le yoga, exercice spirituel à part entière, qui rééquilibre les circuits énergétiques par des étirements et enseigne le contrôle de la respiration nécessaire à la relaxation totale propice à la méditation. Les marches à pied en silence dans la nature, loin de la foule. La pratique des arts martiaux et beaucoup d´autres sports ... Les moyens ne manquent pas. Mais pour cela il faut savoir un jour dire merde à son dealer de prozac et avoir le courage de voler de ses propres ailes sans protection.

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